Édito

Depuis des siècles, les relations entre Saint-Malo et l’Angleterre oscillent entre rivalités maritimes et échanges commerciaux et culturels. Aux XVIIᵉ et XVIIIᵉ siècles, la cité corsaire défie la marine britannique avec des figures comme Surcouf ou Duguay-Trouin. Mais au-delà des affrontements, les échanges perdurent : commerce avec les îles Anglo-Normandes, liaisons régulières avec Portsmouth dès le XIXᵉ siècle… L’explorateur Jacques Cartier, né à Saint-Malo, ouvre même des routes vers un Nouveau Monde disputé entre les deux couronnes. Aujourd’hui encore, cette histoire partagée nourrit des liens vivants entre les deux rives de la Manche, entre culture, mer et mémoire. C’est dans cet esprit que le Festival de musique sacrée de Saint-Malo choisit cette année une thématique résolument “so British”, en écho à cette relation faite de contrastes et de résonances.

Cette 54^e édition du Festival de musique sacrée invite son public à un grand voyage à travers la tradition musicale anglaise, portée notamment par les prestigieux collèges de Cambridge. Parmi les figures à l’honneur : le compositeur John Rutter, formé au Clare College dont il deviendra chef de chœur ; le chef Malcolm Archer, ancien organiste du Jesus College ; ou encore Richard Gowers, organiste à la carrière internationale, qui fit ses débuts comme choriste au King’s College.

Et pour ouvrir en beauté cette édition dédiée à la musique britannique, le concert du 15 juillet mettra à l’honneur l’un des chœurs mythiques de Cambridge : le Trinity College Choir. Considéré comme l’un des meilleurs chœurs au monde, il offrira un florilège de la musique anglaise, du chant élisabéthain aux compositeurs contemporains, de Tallis à Judith Weir, compositrice actuelle de la couronne britannique.

Le festival mettra bien sûr à l’honneur le plus européen des Anglais du XVIIIe siècle : Georg Friedrich Haendel. Né en Allemagne et formé en Italie, il consacra l’essentiel de sa carrière à Londres, où il fut naturalisé sujet britannique. Deux oratorios pour le temps de Pâques, deux chefs-d’œuvre : la Résurrection, œuvre de jeunesse composée à Rome et présentée ici par Le Banquet céleste, ensemble bien connu des bretons, et sans doute l’œuvre de la maturité la plus célèbre du compositeur, le Messie, interprété ici par le Chœur et orchestre de la Chapelle ducale de Düsseldorf.

Pour la deuxième année de sa résidence de compositeur au sein du festival, Philippe Hersant présentera un Salve Regina, une commande spéciale pour célébrer la réouverture de Notre-Dame de Paris. L’œuvre sera créée le 9 août à la cathédrale de Saint-Malo par Olivier Latry aux grandes orgues, avant d’être reprise à l’automne dans la cathédrale parisienne restaurée. Une autre pièce du compositeur, Revenant pour huit voix a cappella, sur un poème de l’académicienne Florence Delay récemment disparue, sera interprétée le 31 juillet par le jeune ensemble vocal Rejoyce, composé d’anciens membres du Trinity College, dans leur concert Le Lys et la Rose en forme de dialogue choral franco-britannique.

De nombreuses actions culturelles viendront ponctuer cette édition, invitant le public à découvrir la musique sous toutes ses facettes : visites gratuites des orgues, rencontres avec les artistes pour entrer dans leurs univers artistiques et mieux appréhender leur quotidien de musiciens. Comme chaque année, un stage de chant choral est proposé, offrant aux choristes la possibilité d’interpréter une œuvre emblématique du répertoire anglais : le Requiem de John Rutter, accompagné par l’Orchestre symphonique de Saint-Malo. En outre, soucieux de rendre la musique chorale accessible à tous, le festival accompagne également cette année des habitants du quartier de la Découverte à travers un parcours dédié : un atelier de chant, une visite des orgues de l’église Sainte-Croix, avant de les mener jusqu’au concert de l’ensemble vocal Rejoyce le 31 juillet.

Louis Castelain
Directeur du Festival de musique sacrée de Saint-Malo